NOTRE DÉMARCHE
Nous les Belges, on dit souvent des Québécois qu’ils sont nos amis de l’autre côté de l’Atlantique. Là-bas, on y retrouve une mentalité voisine, une entente commune sur ce qu’est le déjeuner, le dîner et le souper. Mais a-t-on la même vision du féminisme à plus de 5 000 kilomètres de distance ? Vivons-nous les mêmes expériences dans nos sociétés belge et québécoise ?
Ce site offre une vision panoramique de l’enjeu de société qu’est l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans les quatre capsules vidéos que vous découvrirez au fil de votre visite, vous entendrez différents acteurs de la société vous parler de leur féminisme. Du simple féministe à la professeure en études de genre, ces témoignages offrent des points de vue divers mais complémentaires. Ces intervenants ne sont, pour la plupart, pas des experts et n’ont aucunement la prétention de dire connaître le féminisme sur le bout des doigts. Mais ils nous ont raconté leurs propres expériences sans langue de bois.
Cette plateforme a pour but de définir le féminisme, de mettre en avant les inégalités présentes dans nos sociétés, de trouver des solutions pour améliorer la situation et de comprendre pourquoi le mot « féminisme » fait peur.
"Je crois pas que je suis témoin de tout ça, sincèrement"
Aubert Gendron Marsolais
Musicien | Québec
"L'indépendance des femmes fait peur"
Apolline Vranken
Architecte féministe | Belgique
"Ultimement, c'est les idées qui devraient compter, pas le nom que ça porte"
Bruno Lemaire Corbeil
Sympathisant du féminisme | Québec
"On n'atteindra pas l'égalité sans combattre le patriarcat"
Merlin Gevers
Militant féministe | Belgique
"Refuser de se taire, s'organiser entre nous, puis faire en sorte de déranger le plus possible"
Marie-Eve Duchesne
Militante féministe | Québec
"Je pense que chacun à sa manière, peut faire quelque chose"
Marie Beautrix
Étudiante en anthropologie | Belgique
"Il y a une profonde incompréhension associée au mot féminisme"
Emy Lafortune
Étudiante en journalisme international | Québec
"Je sais pas si c'est tellement le mot féminisme que le mouvement et l'engouement qu'il y a derrière qui font peur"
Florence Degavre
Professeure en études de genre | Belgique
"Ça peut pas reposer sur les simples épaules des femmes"
Josette Brun
Professeure en études de genre | Québec
"On devrait pas avoir de choses à dire sur ce que les femmes font de leur corps"
Clara Jacquet
Membre d'une association féministe étudiante | Belgique
"Je pense que les gens ont juste associé féminisme avec féminisme radical"
Frédérique Sénéchal
Membre d'une association féministe étudiante | Québec
"C'est juste des femmes et des hommes qui veulent l'égalité, tout simplement"
Alex Paternot
Étudiant en tourisme | Belgique
"Avoir des meilleures conditions pour toutes les femmes, ça serait mon souhait"
Mélanie Sylvestre
Bibliotechnicienne féministe | Québec
"Malheureusement, il y a encore beaucoup de femmes qui élèvent leurs enfants comme on élevait les hommes avant"
Anne-marie Saussez
Retraitée | Belgique
FÉMI-QUOI?
Le mot « féminisme » n’a pas de définition universelle. Selon les époques et les groupes militants, mais aussi selon les pays, des combats très différents se sont menés sous son étendard. Une chose est sûre, la base du féminisme repose dans la recherche de plus d’égalité entre les sexes. Généralement, le terme qualifie les mobilisations en faveur du droits des femmes, même si aujourd’hui, les combats s’élargissent à d’autres groupes oppressés.
On divise communément le féminisme en vagues qui se suivraient dans le temps. C’est un peu plus compliqué que ça. Ce sont des courants qui se superposent en amenant leurs propres revendications et leurs nouvelles manières de lutter. Chaque génération construit son féminisme, en partie sur les avancements de la précédente. Vous nous suivez?
La première vague naît à la fin du XIXème siècle. Les femmes de la bourgeoisie libérale se rendent compte des discriminations et vont se battre, aux côtés des femmes travailleuses, pour l’égalité des droits civiques, politiques et sociaux, y compris le droit de vote.
La seconde vague débute au début des années 1970, influencée par mai 68. Les Canadiennes ont le droit de voter depuis 1940, les femmes belges depuis 1948. Pourtant, l’égalité formelle acquise ne porte pas ses fruits dans la sphère privée. Les principaux thèmes de la deuxième vague féministe tournent autour de la vie privée et familiale.
La troisième vague, développée depuis les années 1990, s’ancre profondément dans la mondialisation, dans les questionnements écologiques et postcoloniaux, mais aussi dans les contestations des normes hétérosexuelles.
Le féminisme actuel se revendique surtout intersectionnel. L’intersectionnalité est un mot compliqué pour dire qu’on prend en compte la situation de personnes qui subissent plusieurs formes de discrimination en même temps. On reconnaît, par exemple, qu’une femme racisée connaîtra encore plus de discrimination qu’une femme blanche car elle vivra à la fois du sexisme et du racisme.
Les inégalités dans mon pays
Pour en savoir plus
Selon le forum économique mondial (WEF), les inégalités entre les hommes et les femmes au travail ne disparaîtront pas avant 200 ans si la situation actuelle persiste.
Comment améliorer la situation?
Un petit pas pour l'homme …
Nos intervenants belges sont unanimes : l’éducation est la réponse pour la déconstruction des normes genrées. Un camion bleu pour les garçons et une dînette rose pour les filles, c’est fini. Les inégalités entre hommes et femmes s’ancrent dès le plus jeune âge dans l’esprit des enfants. La faute aux parents, aux instituteurs et institutrices. Bref, il faut éduquer les personnes qui éduquent nos enfants pour ne plus perpétuer les erreurs du passé, appelées “tradition”.
Au Québec, la communication est reine. Parler de ce qu’on ressent face à une injustice, face à une remarque ou geste déplacé. Dire quand ça ne va pas puis expliquer pourquoi. Les témoignages évoquent l’importance de conscientiser, de sensibiliser les hommes, mais aussi les femmes, aux réalités que vivent les femmes.
Peur du féminisme
Je suis pour l'égalité mais …
Féminisme, ce mot dont il ne faut pas prononcer le nom. Trop tard nous direz-vous. Incompréhension du terme ou pas envie de comprendre, on peut en discuter. En tout cas, le terme fait peur, il est devenu grossier.
En 2019, le féminisme est tabou. La recherche d’égalité l’est-elle aussi? Est-ce mal de vouloir gagner autant qu’un homme, de faire ce qu’on veut de son corps, de se sentir en sécurité en rue?
Québec et Belgique s’accordent pour expliquer cette peur du mot par sa racine. C’est Charles Fourier qui commence à évoquer le féminisme au début du XIXe siècle mais c’est Alexandre Dumas fils qui joue avec le mot “femme” pour mettre avant la lutte pour l’égalité des droits. Par cette invention, il met avant le fait que les femmes ont majoritairement moins de droits que les hommes. Utiliser le mot “femme” comme racine a néanmoins fait perdre de son intérêt aux hommes.
Le féminisme est une lutte sociale. Ce genre de lutte, comme l’écologisme par exemple, fait peur par sa volonté d’action et son envie de changements. Lutter pour plus de droits pour un groupe semble aller de paire avec une perte de droits pour un autre. C’est ainsi que le féminisme peut faire peur au groupe de privilégiés.
Notre conclusion
Même s’ils ne sont pas d’accord sur comment dire 70 ou 90, Belges et Québécois partagent la même définition du féminisme : une volonté d’égalité entre les hommes et les femmes. Nos deux sociétés sont basées sur un système d’oppression envers les femmes qui donnent des privilèges aux hommes. Et ça nos intervenants l’ont bien compris. Le patriarcat est présent partout et ne connaît pas de frontière.
En Belgique, c’est le harcèlement de rue qui est le plus pointé du doigt. L’insécurité dans l’espace public ressentie chez les femmes belges ne transparaît pas chez les Québécoises. Du côté Nord-Américain, on insiste plus sur les discriminations subies par les minorités. On pense notamment à la communauté LGBT, aux personnes trans et aux femmes autochtones.
Les féministes des deux pays prennent en compte les autres oppressions que les femmes subissent. Elles envisagent le féminisme de manière intersectionnelle c’est-à-dire en considérant la diversité des discriminations simultanées.
Pour améliorer la situation dans leur pays, nos témoins québécois proposent de conscientiser la population. Les Belges, eux, mettent l’accent sur l’importance d’éduquer les enfants dès le plus jeune âge. Se mobiliser, mener des actions et continuer le combat, voilà sur quoi Belges et Québécois insistent afin de faire bouger les choses.
Selon les personnes interrogées, aussi bien en Belgique qu’au Québec, ce n’est pas seulement le mot “féminisme” qui fait peur mais surtout ce qu’il implique. Une lutte, quelque soit sa cause, fait peur à ceux qui risqueraient de perdre des privilèges.
Finalement, femmes ou hommes, Québécois ou Belges, qui ne se disent pas féministe ou militant.e engagé.e, tous nos intervenants veulent briser les stéréotypes afin de faire passer le même message. Chacun l’exprime et le défend à sa manière, avec ses propres particularités culturelles, certes, mais tous mènent un même combat : celui de l’égalité.
ENQUÊTE
Ceci n'est pas une femen
Sorcières, sales Femen, frustrées , … Les militantes féministes sont souvent mal perçues et stéréotypées. Mais dans quelle mesure correspondent-elles à cette image extrême laissée par les actions des Femen ? Au contraire, comment font-elles pour s'en détacher ?
Pendant plus d'un an, nous avons suivi les militantes féministes belges francophones dans leurs actions. À travers des manifestations, des actions légales et un peu moins légales, découvrez jusqu'où vont ces féministes pour revendiquer leur droit à l'égalité.
Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement tous les intervenants belges et québécois qui ont répondu à nos questions ainsi que les personnes qui nous ont transmis ces contacts et tous ceux qui se sont intéressés au projet.
Nous remercions également notre promoteur Benoît Grevisse pour ses conseils et le corps professoral de l'Université Laval et de l'UCLouvain, ainsi que les services de prêt de matériel.
© 2019 Héloïse Wibaut & Colleen Tordeur
- Projet réalisé dans le cadre de notre mémoire de fin d'études
@ École de journalisme de Louvain.